EUROPE

Demain, mangera-t-on des steaks d'herbe produits à partir d'algues ou de salades ?

Avec leur modèle d'agriculture extensive, leurs 12 millions de cochons et leurs 4 millions de vaches, les Pays-Bas sont aussi touchés de plein fouet par la crise des subsistances. En revanche, sur les prés du pays, il y a toujours plein d'herbe. Que l'on peut donner aux vaches, mais pas aux cochons. Pour l'instant.

 

Car une société de recherche néerlandaise, Nizo Food Research, basée à Ede, a isolé dans l'herbe une enzyme nommée la RuBisCo - qui permet de fixer le dioxyde de carbone dans la biomasse végétale. La société dispose de la technologie nécessaire pour isoler les protéines de l'herbe et les utiliser dans des soupes ou des desserts. Elle cherche en 2012 à les agglutiner http://www.courrierinternational.com/article/2012/10/04/vous-reprendrez-bien-un-peu-de-steak-d-herbe pour pouvoir produire des « steaks d'herbe». Pour l'heure, l'être humain et le cochon ne peuvent consommer d'herbe, car leur système digestif ne peut décomposer correctement les fibres végétales et tirer parti des acides aminés que l'herbe comporte. Plusieurs d'entre eux ne peuvent être fabriqués par l'Homme... l'herbe les contient tous. Pour faire de l'homme un herbivore, les scientifiques ont broyé de grandes quantités d'herbe, et commencent à agglomérer les protéines récupérées.

 

La composition en acides aminés de la RuBisCo est meilleure que celle de la protéine de maïs et aussi bonne que celle de la protéine de soja. Ce qui pourrait permettre aux Pays-Bas, si les expériences arrivent à bon terme, de devenir auto-suffisants pour l'alimentation de leurs porcs et de se passer du soja, importé du Brésil, et dont la monoculture se fait au détriment des forêts tropicales. Mais aussi d'épargner aux exploitants agricoles et à la filière de transformation des Pays-Bas l'évolution à la hausse des prix du soja et des coûts qu'elle entraîne.

 

En 2016, Nizo Food Research a annoncé qu'elle avait isolé la Rubisco et l'avait aggloméré dans un ingrédient incolore et très soluble ; elle est en train de breveter le procédé pour une mise sur le marché à court terme.

 

En 2017, les études continuent. La revue Process Alimentaire (27/2/2017) fait état de nouvelles études sur la Rubisco, qui n'est toujours pas utilisée dans l'agroalimentaire en raison du fait qu'elle ne conserve pas ses propriétés quand elle est extraite, ce qui handicape son utilisation industrielle. Un projet européen, Green Protein, a été initié, en septembre 2016, pour la produire et l'extraire de façon industrielle à partir de déchets de salade, produits par l'industrie agroalimentaire.

 

Financé dans le cadre du Bio based industries Joint undertaking call, il est coordonné par Provalor et rassemble TNO, Florette France GMS, Ruitenberg Ingredients, Bionet Servicios Tecnicos, l'unité BIA de l'INRA Angers-Nantes, l'unité IATE de l'INRA Montpellier, Eurizon, Pasmany Peter Catholic University et l'union Nikola Tesla. C'est Florette (filiale du groupe coopératif normand Agrial, leader européen des végétaux frais prêts à l'emploi) qui fournira la matière première et les capacités industrielles, Provalor et TNO les moyens scientifiques, tandis que Ruitenberg Ingredients commercialisera les protéines produites. TNO a breveté, en 2014, une méthode d'extraction de la RuBisCo.

 

Le projet va durer 4 ans et demi et devra aboutir sur la construction d'une usine d'extraction de la Rubisco dans un conteneur, de façon à être implantée dans les usines agroalimentaires pour traiter les coproduits. En UE, les pertes dans l'agroalimentaire sont estimées à 442 € par tonne de matière alimentaire produite. Par ailleurs l'UE importe actuellement 77% des protéines nécessaires à l'alimentation animale et humaine ; savoir extraire la RuBisCo permettrait de créer une nouvelle filière industrielle dans toutes les régions maraîchères et où l'agroalimentaire est solidement implanté, comme en Bretagne ou dans le sud-ouest français.

 

Par ailleurs l'université de Wageningue, en Hollande toujours, travaille sur l'isolation de la protéine à partir d'algues ou de betteraves à sucre. Les deux projets se terminent en 2017 et devraient bientôt voir leurs résultats publiés.