Dé-trump-ez-vous ! La guerre de Troie aura bien lieu !

Le monde entier semble être atteint par le syndrome de trumpisme. « Trump changera le cours d'histoire ; Trump apportera le renouveau, ; Trump nous redonne vie et espoir... » Ces slogans émaillent le discours des gens bien-pensants où qu'ils se trouvent - à Moscou ou à Jérusalem, à Paris ou à New-York... A Moscou, la Douma russe (le Parlement) a salué la victoire de Trump en applaudissant ! Sic. D'autres - ceux qui s'attendaient à l'avènement de la reine de Halloween (comme un observateur international russe l'avait surnommée) - ont cruellement déchanté du jour au lendemain. En se réveillant ils avaient appris avec ébahissement que ce n'est pas leur candidate qui l'a emporté. Ceci dit, l'espoir que nourrit ce changement impromptu peut s'avérer, malheureusement, bien vain pour des raisons que l'on va décortiquer.

 

En premier lieu, la vraie gagnante de la présidentielle américaine est quand même Hillary Clinton. S'il y avait le suffrage direct universel, comme en France, ou en Russie, elle aurait gagné avec une avance de plusieurs centaines de milliers de voix. Et alors ? seriez-vous tenté de me dire. On s'en moque du moment que Trump est à la Maison-Blanche ! Mais techniquement parlant il ne l'est pas encore. Il est fort peu probable que les grands électeurs choisissent un autre candidat que le président élu Donald Trump, mais leur vote prendra lieu à la mi- décembre prochain. Théoriquement ils peuvent donner leur voix au candidat qu'ils veulent, mais normalement leur sympathie va toujours dans le même sens que celui du parti qui leur a accordé leur statut. Ceci dit, il ne faut jamais anticiper - il reste une étape à franchir. Et comme, justement, une grande partie de l'Amérique se sent trompée dans ses espoirs (et se sent Trumpée comme une soupe), il pourrait en découler une situation exotique et un vote inattendu. S'il s'avère que les grands électeurs entérinent le choix opéré techniquement au niveau des Etats (et pas du peuple qui, à vrai dire, a bien élu Hillary), Trump pourrait être investi président.

 

Et c'est justement là que les questions commencent, car Trump a beau être président : la législation américaine permet de bloquer toutes ses décisions au cas où les deux tiers du Sénat tombent d'accord pour contrer un arrêté présidentiel. Ca n'a rien d'exotique outre-Atlantique, c'est déjà arrivé dans le passé et même sous Obama : alors il n'y a pas de quoi se faire.

 

Donald Trump devrait également tenir compte de tous les électeurs de Hillary, des lobbies qui le soutiennent y compris le lobby des armuriers. Il peut bien épiloguer devant les caméras en racontant qu'en tant que milliardaire il ne dépend de personne : au niveau de l'État le plus puissant du monde cet argument ne saurait être retenu. Toute la fortune de Trump ne suffirait pas si les grandes familles qui régissent l'Amérique ne se seraient pas mises d'accord pour avaliser son investiture. En fait, on verra cela au moment du vote des grands électeurs parce que si le système américain est tombé en panne en choisissant le « mauvais » candidat, les grands électeurs qui jouent toujours le jeu de leurs maîtres auront vite fait pour corriger l'erreur. Et ça n'aura rien d'exceptionnel. Il ne faut pas s'en offusquer parce que les politiciens français peuvent très bien adopter une mesure anti-démocratique pour contrer la victoire du Front National en pratiquant l'alliance républicaine pour lui faire barrer le passage tous partis confondus. Alors la démocratie, vous pensez-bien... Mais revenons donc à Trump !

 

Donc, quel que soit le choix des grands électeurs, s'il est élu (comme nous l'espérons tous), il ne sera pas exempt du contrôle sénatorial qui peut toujours bloquer ses décisions s'il ne courbe pas le dos devant les décisions de la majorité politique américaine.

 

Un autre point des plus importants est la pérennité des impératifs dans la politique internationale américaine. Cela veut dire que Trump n'entend point désarmer. Qui plus est, il a déjà rendu publique sa décision de lancer la construction de nouveaux bâtiments de guerre américains en en faisant augmenter la quantité de plusieurs dizaines. Donc, Trump veut continuer à montrer le pavillon américain aux quatre coins du monde. Il insiste aussi sur le bien-fondé de l'approche américaine en Iran : il voit de très mauvais œil le programme de coopération nucléaire russo-iranien. On ne sait pas trop quelle serait la stratégie américaine en Syrie maintenant, mais, à vrai dire, les Américains ont d'ores et déjà perdu la mise. Donc Trump ne peut que confirmer l' état des choses en faisant bon coeur contre mauvaise fortune. Peut-il arrêter de mener des guerres à l'étranger, faire évacuer l'Afghanistan, partir de l'Irak et de l'Iran ? Je ne crois pas parce que non seulement il se retrouverait avec l'armée en colère (les vétérans peuvent très bien être renvoyés de l'armée et les généraux se retrouver au chômage), mais cela représenterait, bien évidemment, des pertes astronomiques pour le complexe militaro-industriel américain sans parler de la rupture avec les alliés de toujours - l'Arabie Séoudite et les Emirats du Golfe.

 

Trump peut-il changer la politique monétaire des Etats-Unis ? Mais comment s'y prendrait-il puisque son pays est endetté jusqu'aux yeux ? La dette américaine est pharaonique. Il est vrai qu'en grande partie, c'est une dette intérieure, mais la Chine détient une partie des titres de valeur, etc. Alors que ferait Trump ? Le voyez-vous assainir l'économie américaine en refusant la politique des dérivatifs qui font vivre le système hypothécaire et la bourse américaine ? Trump serait-il mû par un instinct suicidaire ? Le croyez-vous franchement ? Donc aucune éclaircie n'est possible parce que cela contredit carrément les intérêts américains. c'est un peu comme si l'on mettait à vanter les mérites d'un régime végétarien à un prédateur consommé ! Soyons sérieux !

 

Enfin, si Donald Trump veut réduire le nombre de chômeurs en renvoyant les Latino-Américains chez eux, cela ne résoudrait point le problème du chômage qui frappe jusqu'à 25 % de population active d'un pays qui compte à peu près 323 millions de citoyens. Et je reprends l'argument économique, car tout problème de l'ordre monétaire se répercuterait automatiquement sur l'allocation chômage de cette population qui en viendrait immédiatement aux armes, en vente libre aux Etats-Unis d'ailleurs. Trump veut-il se risquer à ça ? Mais pourquoi le ferait-il puisqu'il s'agit d'un vrai Américain et d'un milliardaire qui connaît ses problèmes depuis belle lurette ?

 

On a parfois l'impression qu'en personnalité de Trump les gens veulent retrouver le même leader charismatique qu'ils avaient dépisté avant en Poutine. Mais, il y a 16 ans, Vladimir Poutine est arrivé à la tête d'un pays exsangue qui avait des problèmes concrets à résoudre : la guerre en Tchétchénie, le désoeuvrement des gens à cause de la politique démentielle pro-ocidentaliste de l'équipe eltsinienne, la décolonisation en Asie, etc. Ce n'est pas le cas de Trump. Son rôle n'est pas de faire regagner à l'Amérique son rôle de superpuissance. Son rôle est de conserver le status quo international où l'Amérique est déjà le gendarme du monde et ça depuis 20 ans. Quoi qu'il fasse, il toucherait automatiquement aux intérêts de la Russie : il ne peut faire autrement quitte à se voir destitué. On en déduit que peut-être Trump retirerait les missiles de l'Europe de l'Est (et encore) ou s'entendrait avec Poutine sur la Syrie ou la Crimée ou encore sur l'Ukraine. Mais il ne saurait et ne pourrait aller plus loin, malheureusement. Il reste la chair de la chair américaine et il est obligé de respecter ses engagements pris.

 

Alors attachez vos ceintures parce que le show ne fait que commencer !

 

Автор Alexandre Artamonov