Les collectivités locales françaises économisent de l'argent 

En France, depuis plusieurs années c'est la « crise ». Un prétexte bien pratique pour diminuer les services publics et prendre encore plus d'argent au peuple. En revanche, pour donner l'argent du contribuable à ceux qui sont déjà riches, il n'y a jamais de crise.

 

Dans les Vosges, il existe un blog qui s'appelle « L'odeur du sapin », tenu par un journaliste-photographe professionnel. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne soit pas en odeur... de sainteté à Epinal, Saint-Dié ou ailleurs, car il fait son travail - y compris en allant littéralement  fouiller les poubelles - et sort des informations qui dérangent ou qui auraient du rester cachées. Parmi les informations qui dérangent sur ce blog, qui est dans les Vosges le seul média alternatif d'information, le journal local, qui dépend du Crédit Mutuel (groupe EBRA), étant très tendre avec les élus (et inversement), il y a le budget du conseil général des Vosges, adopté à la mi-juin 2016.

 

 

Pour les pauvres : moins d'argent pour les collèges et l'enseignement

 

En France, les collèges dépendent des départements, et les lycées des régions - même la loi NOTRE qui se voyait comme un « big-bang » pour les collectivités locales a maintenu dans le giron des départements les compétences dites de solidarité (versement des minimas sociaux, logement d'urgence, social, des migrants...) et les collèges.

 

L'opticien François Vannson (UMP/LR) se focalise sur les collèges. Trois fermeront d'ici un an : Darney, La Bresse et Granges-Aumontzey, tandis que les syndicats craignent que huit autres sont aussi condamnés à court et moyen terme (Bains-les-Bains, Corcieux, Granges-sur-Volognes, Liffol-le-Grand, Rupt-sur-Moselle, Saint-Dié-des-Vosges, Lamarche et Le Tholy). Le déclin démographique - les Vosges sont situés dans la « diagonale du vide » qui concentre, du nord-est au sud-ouest en passant par le Massif Central, les départements français en déclin - n'explique pas tout.

 

« Le budget 2015 du Département s'élevait à 462 millions d'euros, celui de 2016 à 460,25 millions d'euros.Il a donc été décidé, bien sûr sans consultation citoyenne, que les jeunes et le quatrième âge devraient être les premières victimes de la baisse (massive, n'est-ce pas ?) de 0,38 % du budget », remarque l'Odeur du Sapin, qui constate au passage que les tarifs dans les maisons de retraite gérées par le département (EHPAD) ont augmenté de 6% sur un an, soit 75 € par mois, donc 924 € par an. Une dépense loin d'être indolore pour des familles majoritairement modestes.

 

Les dépenses spécifiques pour les collèges  baissent aussi. Par exemple le programme intitulé « assurer le fonctionnement matériel des collèges » passe de 5.808.000 € en 2015 à 5.310.000 € en 2016, soit 8.57% de moins. En baisse aussi, le programme « encourager l'ouverture des établissements scolaires sur leur environnement et encourager la réussites des élèves », à raison de 21.39% de moins sur un an. Toujours en baisse, de 5.71% sur un an, les crédits en faveur du numérique, qui se replient à 875.000 € en 2016. En baisse encore, les subventions aux travaux (-15.83% sur un an, à 335.000 €). A la hache, le programme pour les centres d'information et d'orientation, destinés à aider les élèves à choisir leur futur métier ou leur formation à venir : -43% sur un an, à 110.000 € en 2016. A la poubelle enfin, le programme pour l'équipement pédagogique, qui connaît une coupe franche de 20.31% (570.000€ en 2016) sur un an.

 

 

Encore plus d'argent pour les dîners, les porte-monnaies et les avions des notables

 

En revanche, la crise ce n'est pas pour tout le monde. Ainsi, un programme permettant aux entreprises d'acquérir des biens immobiliers aux frais du contribuable a augmenté de 726.31% de 2015 à 2016, passant de 95.000 à 785.000 €. Les patrons qui ont voté à droite aux élections départementales récupèrent rapidement leur retour sur investissement ! Idem et autant, l'appui « en ingéniérie » aux entreprises pour favoriser le « développement du tissu économique local » augmente de 419% en un an, de 165.000 € en 2015 à 857.000 € en 2016. Pourtant, à chaque fois que le conseil général des Vosges s'est mêlé de croissance ces dernières années, des dizaines de millions d'euros d'argent du contribuable ont été perdus sans aucun retour sur investissement.

 

On apprend au passage que « 35 000 euros sont par ailleurs consacrés à une antenne vosgienne en Chine et 70 000 euros à une "mission Chine'' » qui doivent être royalement ignorés des chinois eux-mêmes, et qui font certainement doublon avec les politiques économiques gouvernementales impulsées depuis Paris.

 

Toujours pour subventionner des puits sans fond, le département des Vosges a fait une subvention de 907.000 € en 2016 à l'aéroport d'Epinal-Mirecourt, situé sur la commune de Juvaincourt. Ancienne base de dispersion de l'OTAN, cet aéroport ne réalise guère, l'été seulement, que  des vols vers Nice (compagnie IGAvion, 33 places disponibles), et quelques charters l'été, malgré des investissements faramineux - ILS, certification aéroport international, etc. Bref, encore un exemple réussi de la pertinence du subventionnement public des aéroports en France - qui sont d'ailleurs en nombre nettement supérieurs aux besoins, puisqu'il y a  170 aéroports régionaux en France sur les 460 que compte l'Europe, et seuls quelques uns sont rentables.

 

Pour renflouer le « pluralisme » des médias - bien que ça ne soit pas la vocation d'un conseil général que de faire de l'activité médiatique, le CG des Vosges a décidé une subvention de 845.000 € à la chaîne locale Vosges Télévisions, déficitaire. De quoi susciter l'ironie de l'Odeur du Sapin : « Rappelons que Michel Heinrich, député-maire d'Épinal, a été PDG de la chaîne télévisée en cours de mandat électif, qu'elle a ensuite été présidée par Christian Poncelet (toujours au cours d'un mandat) et se trouve aujourd'hui présidée par un élu "Les Républicains" du Conseil départemental et par M. Heinrich (vice-président du média) ».

 

Enfin, last but not least, on apprend que «le Département [des Vosges] a versé en 2015 la jolie somme de 200 000 euros au syndicat mixte du pays d'Épinal qui s'occupait des "dîners insolites du patrimoine" avant que ce projet ne soit repris par une société d'économie mixte (abreuvée d'argent public) dont une élue, Elisabeth Del Genini, adjointe au maire d'Épinal et conseillère régionale, est désormais PDG ». A raison de 3500 € par dîner, les contribuables offraient aux mondains locaux - des notables qui n'éprouvent guère le besoin d'une aumône publique, ainsi que quelques touristes - un dîner qu'ils payaient 70 à 100 € pour un apéro, un repas complet, un concert et cinq verres de vin. Bref, il n'y a pas d'argent pour les collèges, c'est la crise, mais il y en a pour que les notables puissent faire bombance. On doute qu'ils invitent les collégiens des Vosges !