L'Etat Islamique a pris pied en Somalie et dans l'Afrique française

L'armée irakienne a obtenu d'importants succès en Irak dans la campagne visant à libérer la ville de Mossoul, même si la libération de la capitale du nord de l'Irak pourrait prendre encore de deux à cinq mois selon les experts. En Syrie, avec la libération d'Alep qui s'annonce prochaine - 58% de la poche tenue par les rebelles au 20 novembre sont maintenant sous contrôle gouvernemental - des forces importantes seront libérées pour lutter contre l'Etat Islamique. Mais même si celui-ci est chassé du Levant, il continuera de vivre ailleurs.

Fin octobre, l'EI a pris pied en Somalie. Dans ce pays déchiré par une guerre civile sans fin depuis 1991, et où il y a de nombreuses bandes armées, notamment véhiculant une idéologie islamique intégriste, l'une d'elle - Abiqadir Mumim - a prêté allégeance à l'EI et pris d'assaut la petite ville de Qandala, fin octobre 2016. Cette ville portuaire est située au nord-est du pays, dans l'ancien Puntland - qui s'est déclaré autonome en 1998 sur fond de désagrégation de l'état central. Pour lutter contre l'EI, les shebabs - d'autres islamistes ultra-violents qui ont déjà mis à feu et à sang ce qui reste de la Somalie par le passé, et qui sont, eux, affiliés à Al-Qaïda - ont annoncé qu'ils tueront toute personne suspectée de faire partie de l'EI. On retrouve d'ailleurs cet affrontement entre Al-Qaïda et l'EI en Syrie, notamment, où le Front al-Nusra combat à la fois Bachar al Assad, les Kurdes, certains rebelles islamistes et l'EI.

En Somalie, le 3 décembre, les forces gouvernementales sont - timidement - repassées à l'attaque après avoir abandonné Qandala et ses environs ; le média syrien Al-Masdar News aussi bien que les périodiques européens annonce que les soldats loyalistes ont repris un petit village proche de Qandala et tué au passage 7 combattants de l'Etat Islamique.

La bataille n'est pas finie, loin de là, puisque les causes structurelles - effondrement de l'état, absence d'unité nationale, carences de développement, faibles ressources, surnatalité ou encore guerre civile endémique - demeurent. En revanche, elles confirment le constat du Daily Mail en août dernier, qui avait publié une carte montrant que l'Etat Islamique était devenu un groupe terroriste d'ampleur mondiale.

L'EI ne s'en cache pas d'ailleurs dans sa communication, où il reprend à son compte les activités de ses branches implantées dans des pays aussi divers que le Bangladesh, les Philippines, la Somalie, l'Indonésie, le Liban (dans les monts de l'Anti-Liban ; à côté du bourg d'Aarsal, à la frontière syrienne) ou le Sinaï égyptien. Contrairement à l'armée libanaise, efficacement aidée par le Hezbollah, qui arrive à cantonner les bandes islamiques de l'Aarsal, les forces armées égyptiennes ne parviennent pas du tout à endiguer l'activisme de l'EI dans la péninsule désertique.

L'Etat Islamique serait aussi implanté en Algérie, c'est à dire qu'il est bien plus proche de l'Europe - et de la France - qu'il ne l'était en Syrie. Les jeunes Algériens étant toujours en majorité francophones, et n'ayant presque aucune chance de trouver du travail chez eux, ils migrent massivement en France ; l'Etat Islamique a donc la possibilité de préparer des terroristes francophones qui s'intégreront dans la masse des migrants - mieux que des Syriens, Turcs ou Irakiens qui ne parlent pas français - et pourront recruter des complices sur place en attendant l'ordre de commettre un attentat.

Des bandes qui aspirent à rejoindre l'Etat Islamique - ou qui ont déjà développé des contacts très serrés - sont aussi implantées dans les républiques musulmanes du Caucase russe (notamment, en Tchétchénie, Ingouchie, Daghestan).

Les islamistes sont aussi présents au Mali. « On a le même problème que les Egyptiens dans le Sinaï », commente un officier français qui revient justement de là-bas. « Les bandes armées - parmi lesquelles il y a effectivement des islamistes très radicaux - connaissent le désert comme leur poche. Et s'en servent. Elles fondent de nulle part, attaquent ou minent les pistes - l'armée utilise toujours les mêmes, et il n'y a pas toujours l'aviation pour nous protéger et voir s'il y a des ennemis dans les parages - et disparaissent. C'est impossible de lutter contre des fantômes ». Qui, eux, se multiplient : l'activisme islamique est sorti du désert pour gagner peu à peu le centre du Mali, région nettement plus peuplée et aux ressources minières stratégiques.