FRANCE

Rennes – Canal B, une radio « libre » mais pas indépendante ni des pouvoirs publics ni du système médiatique

La délibération n°477, vers la fin du conseil municipal du 10 octobre 2010 à Rennes, accorde royalement 5.000 € de subvention à la radio associative Canal B «pour lui permettre de financer le poste de rédacteur-présentateur ». Une modeste subvention qui lève le voile sur cette radio « libre » qui ne l'est pas tant que ça, car elle est grassement subventionnée par des collectivités locales depuis ses origines, et entretient de nombreux liens avec une autre structure médiatique grassement subventionnée, TVR.

 

La délibération n°477 est précisément de ces délibérations secondaires dont Ronan Le Mouhaër, journaliste-présentateur de Canal B, s'enorgueillit de questionner longuement les élus du conseil municipal. Dans le n°22 (avril/mai 2015) du magazine de Rennes Métropole qui lui dresse un portrait très objectif - tout à sa gloire - il revient sur sa volonté d'informer ses concitoyens : « il y avait un créneau à prendre sur l'info alternative en pointant les petites délibérations qui n'intéressent personne. Les élus sont parfois surpris d'être questionnés sur des thématiques qui ne font pas vendre. Mais l'information sur une radio libre, c'est de pouvoir prendre le temps, ne pas être dans le formatage ».

 

Issu d'une licence Infocom à Rennes 2, passé par un stage au Mensuel de Rennes, un autre à Ouest-France Lannion, puis à Radio Campus, Ronan le Mouhaër est entré à Canal B - 60 bénévoles, 5 salariés, un budget annuel de 200.000 € - dont il est devenu à partir de septembre 2014 l'un des fers de lance. Il y a aussi Thibault Boulais, président de Canal B et journaliste à TV35, une chaîne de télévision locale ultra-subventionnée, notamment par la ville de Rennes. Ou encore Paco Farcy et Patrick Florent (techniciens ; le premier est aussi DJ, le second, un ancien permanent de la radio lilloise RCV, est directeur de la Ferarock, une fédération de radios indépendantes dont fait partie Canal B), Marie Herbault, Juliana Allin (encore une salariée de TVR... qui claironne sur Unidivers (01/4/2014) qu'elle a appelé sa fille née en décembre 2012... Blaise) ou encore Yann Barbotin.

 

On peut aussi se pencher sur ceux qui ont travaillé à Canal B au moment des municipales 2014 : Laura Lamassoure, qui est étudiante en école de journalisme et en contrat de professionnalisation au Télégramme, Jimmy Darras passé par Sciences Po Rennes et le CFJ à Paris, puis par Presse Océan et le Maine Libre, Olivier Pérou qui travaille au Point, Maureen Suignard qui travaille à France Bleu Loire Océan après avoir eu un CDD de deux mois à France Info - cette étudiante de l'école de journalisme de l'IFP avait eu la troisième place du concours Radio France en 2016, Martin Cadoret (qui écrit à la fois au Point, à Reporterre, et à RMC après avoir fait l'IPJ)  ; il avait aussi travaillé pour Ouest-France à Lorient et la CIBL Radio à Montréal.

 

Bref, c'est une radio peut-être « libre », mais enchaînée au microcosme médiatique et qui sert, comme tant d'autres, de moule pour le journalisme français.

 

« Ici, pas de militantisme même si le choix de certains sujets dénote une certaine sensibilité politique », note pudiquement alter1fo (23/7/2015). « On retiendra, par exemple, l'émission consacrée à la situation explosive du centre hospitalier Guilaume Régnier ou au reportage sur les migrants récemment expulsés ».

 

En 2007, la radio avait un budget de 150.000 € et quatre, puis trois salariés, avec 70 bénévoles. Elle n'était alors subventionnée « que » par le conseil général, le fonds de soutien de l'expression radiophonique et par la métropole rennaise. Elle finissait ses années avec un déficit chronique de 5 à 10.000 €. Après une adhésion à Bretagne développement initiative qui a permis le développement de plaquettes et de fiches techniques sur l'association radiophonique, la radio a touché 23.000 € sur 15 mois depuis fin 2006 de la part du fonds social européen (mesure 10B pour les micro-projets associatifs) pour un atelier radio en direction des publics en réinsertion. Le conseil régional leur a octroyé 9000 € et la ville de Rennes leur a mis à disposition de nouveaux locaux ainsi que des subventions d'équipement et de fonctionnement.

 

En décembre 2014, Canal B quitte Maurepas pour s'installer dans le centre-ville rennais, à l'initiative de la ville de Rennes et dans la maison des associations, rappelle Ouest-France (19/9/2014) - une sorte de don en nature assimilable à une subvention. Dire que Canal B(ruz) est une radio pirate, qui émerge dans les années 80 avec l'aide de bénévoles ! Elle ne restera pas indépendante longtemps : intégrée au grand Logis, le centre d'animation de Bruz, en 1986, elle est subventionnée par la ville. En 2006, c'est la ville de Rennes qui l'accueille : après avoir pris le tournant du rock à la fin des années 80, elle est majoritairement écoutée par les étudiants ; elle s'installe au centre commercial du Gast à Maurepas. En 2015, révèle Alter1fo, la municipalité rennaise attribue 36.000 € de subventions annuelles à Canal B.

 

Pour sûr, cette radio est tout à fait libre de critiquer la mairie de Rennes... et d'apporter sa pierre à l'information indépendante à Rennes.

 

Louis Moulin