FRANCE

La présidentielle: onze nuances d'étatisme

En France le libéralisme n'a pas de parti. Mais il a une voix. Le très libéral blogueur H16 est depuis plus de dix ans l'habituel pourfendeur de l'enfer moral, social et fiscal où une République pourrie jusqu'à la moëlle enfourne la France. Si on résume, pour H16 l'Etat n'est pas la solution, mais le problème.

 

On parle bien sûr du vrai libéralisme, et non du capitalisme de connivence, appelé « libéralisme » par abus de langage courant en France, où les gens se partagent contrats, emplois plus ou moins fictifs et autres grasses prébendes payées par les contribuables car ils sont amis (quoique parfois de partis tout à fait opposés), se connaissent tous et savent très bien s'entendre pour tondre le contribuable.

Toute coïncidence avec la campagne présidentielle en cours, ou le comportement d'anciens hauts responsables de la Cinquième République est tout à fait voulue et non fortuite.

 

Nous avons donc interviewé le blogueur Hseize (H16) dont on peut aussi retrouver le blog ici.

 

La Pravda : Pouvez-vous vous présenter briévement ?

 

H16 : Je suis un blogueur libéral qui produit quelques billets par semaine sur les sujets d'actualité, l'économie et la politique. Expatrié [et d'origine bretonne], je regarde la France s'enfoncer doucement dans une médiocrité socialiste de plus en plus liberticide, et constate que mes concitoyens, loin de comprendre le problème, réclament tous les jours un peu plus qu'on accélère cette tendance mortifère.

 

La Pravda : Que pensez-vous des 11 candidats ?

 

H16 : Ils forment 11 nuances d'étatisme, du plus rabique (Arthaud) au plus social-démocrate bon teint (Fillon ou Macron) : tous veulent que l'Etat intervienne toujours un peu plus dans tous les aspects de la vie de chaque citoyen, depuis le berceau jusqu'au cercueil. Aucun ne semble pénétré par l'énorme tâche de réformes dont le pays a un besoin urgent. Tous sont dans la surenchère sécuritaire (contre le terrorisme, l'immigration, la mondialisation, le chômage ou que sais-je) au détriment de la liberté.

 

La Pravda : Lequel vous semble porter les aspirations ou les idées libérales ?

 

H16 : Aucun. Fillon avait montré des velléités libérales lors de la primaire de la droite, pour ensuite s'aligner doucement sur le discours social-démocrate ambiant. Les autres font tous assaut d'interventionnisme ouvert, direct et massif. Les communistes assumés n'ont aucune honte, et les socialistes officiels sont tellement persuadés que nous vivons un enfer ultralibéral que les seules solutions qu'ils préconisent sont un accroissement frénétique de toutes ces solutions qui ont été tentées les 40 dernières années avec le résultat qu'on observe.

 

La Pravda : Macron se présente volontiers comme libéral. L'est-il vraiment ?

 

H16 : Peut-être sur le plan sociétal, dont objectivement l'écrasante majorité des Français se fout et dont le pays n'a absolument pas besoin pour le moment. Pour le reste, en économie, en politique, en droit, Macron est un interventionniste mou tout à fait comparable à Hollande. Sa seule différence majeure est que là où Hollande s'exprimait de façon hésitante, embrouillée et digne d'un gamin de 10 ans, Macron sait faire des phrases à rallonge et alambiquées qui noient parfois le poisson.

 

La Pravda : Quelles sont les thématiques qui vous paraissent importantes et qui sont totalement oubliées dans la campagne présidentielle ?

 

H16 : Plusieurs : la gestion de la dette et des déficits récurrents, vaguement évoqués par Fillon mais absent des discours des 10 autres candidats. Le retour à un Etat de droit avec une justice efficace, correctement dotée (i.e. plus que la Culture qui croule sous les subventions inutiles). Le recentrage rapide de l'Etat sur son périmètre régalien. La création de richesse (comment la relancer)... Et au dessus de tout ça, le thème de la liberté des Français est lui rigoureusement absent.

 

Il faut dire que la campagne a essentiellement été parasitée par l'ensemble des affaires des candidats (Fillon en tête), et que les médias ne se sont pas pressés pour développer leurs thèmes ou leurs programmes.

 

La Pravda : Qui représente aujourd'hui le libéralisme en politique ?

 

H16 : À peu près personne. Il y a bien sûr, dans la société civile, des associations, des groupes sur les réseaux sociaux, des réalisations fort louables (des quotidiens libéraux comme Contrepoints.org, ou des associations comme Contribuables Associés, ou l'iFRAP par exemple) pour tenter de porter la parole libérale sur la place publique, mais en termes de partis, la France est à peu près un désert.

 

La Pravda : Les gens placent en tête de leurs besoins la lutte contre le chômage, le pouvoir d'achat, les questions identitaires... ont-ils vraiment besoin de libéralisme ?

 

H16 : Contre le chômage, tout a été tenté. Sauf le libéralisme. De façon générale, une économie libérale est une économie florissante (on peut citer des douzaines d'exemples, mais même en se contentant de l'Europe, il y a une excellente corrélation entre la vigueur de l'économie d'un pays et le libéralisme des politiciens qui le dirigent ou leur interventionnisme - ou son absence, plutôt). [Parmi ces pays, H16 donne sur son blog dernièrement l'exemple des Pays-Bas, où la délinquance a tant baissé que les prisons sont vides, N.D.A]

 

Or, une économie florissante, c'est moins de chômage, plus de pouvoir d'achat. Les questions identitaires sont toujours prégnantes lorsqu'une économie est en pleine récession ou repli sur soi, mais deviennent nettement moins pertinentes lorsque l'économie croît et qu'il y a du travail pour tous.

 

La Pravda : Quel bilan dressez-vous du quinquennat Hollande ?

 

H16 : Désastreux. Le chômage et la dette ont explosé. L'éducation, la justice sont en pleine déconfiture gauchisante. La parole politique, déjà mise à mal avec Sarkozy, ne vaut plus rien. Les médias, qui avaient déjà perdu pas mal de leur crédibilité au fur et à mesure qu'internet pénétrait les populations, ont définitivement sombré en abandonnant toute volonté d'objectivité et ne sont plus guère que des outils de propagande aux mains d'intérêts variés, corporatistes ou politiques ; si, avec Sarkozy, la presse n'hésitait pas à faire un travail d'investigation (d'autant que cela pouvait nuire au pouvoir en place), elle s'est complètement avilie à faire le minimum avec Hollande, lui laissant les coudées franches pour des empilements de lois liberticides ou d'affaires politico-financières scandaleuses...

 

La Pravda : Que pensez-vous du rôle des médias dans cette campagne : tant ceux du système (affaire Fillon, soutien de Macron etc.) que les indépendants ?

 

H16 : Les indépendants apportent un renouvellement plus qu'indispensable dans un milieu qui vit probablement ses dernières années tant la consanguinité et la connivence sont visibles à tous les niveaux. L'impact sur la campagne sera mesurable directement à l'écart entre les prédictions des médias mainstream (qui s'empressent de relayer des sondages dont les marges d'erreur sont pourtant larges) et les résultats réels du suffrage.

 

 

La Pravda : Imaginons que les Français vous élisent président. Vos 5 ou 10 premières mesures ?

 

H16 : Elles sont décrites et expliquées sur mon blog. En résumé, il s'agirait (1) d'abord de la mise en place du salaire complet et ouverture à la concurrence de l'ensemble des caisses de solidarité (santé, chômage, retraite). Ensuite, (2) faire sauter les monopoles de droits divers et variés ainsi que les protections et privilèges enkystés dans la vie sociale française ; (3) mise en place d'une flat tax intégrale, à 10%. Il n'y aurait plus qu'une TVA à 10%, plus de TIPP ou de CSG. L'impôt sur le revenu serait alors une simple division par 10. (4) Imposition d'un budget à l'équilibre pour le gouvernement (0 déficit). (5) Réécriture du droit du travail en le réduisant à son expression la plus simple possible (d'avant 1970, par exemple). (6) Suppression de toutes les subventions publiques. (7) Chèque éducation et autonomie de tous les établissements éducatifs. (8) Arrêt de toutes les opérations militaires extraterritoriales. (9) Imposition de la transparence des comptes de tout ce qui reçoit de l'argent public (la forme de cette transparence est importante et décrite dans le billet ci-dessus). (10) Non cumul strict et renouvellement une unique fois de tous les mandats.

 

Bien évidemment, ces mesures ne seront jamais mises en place, non parce qu'elles seraient viciées (elles ont toutes, dans le monde et dans l'Histoire, prouvé leur efficacité), mais tout simplement parce que chacune de ces mesures vient heurter, directement, l'une ou l'autre corporation, l'un ou l'autre privilège. Chacune de ces mesures déclencherait une paralysie immédiate du pays qui préférera mourir plutôt qu'envisager le changement. La majorité a déjà choisi son sort.