L’Occident n’est pas assez stupide pour introduire de nouvelles sanctions contre la Russie

La Douma de la Fédération de Russie a ratifié l'accord entre la Russie et la République d'Abkhazie sur la création d'une brigade des forces armées russo-abkhazes. Le Traité prévoit la création d'une Région Militaire de Défense et de sécurité.

 

Vakhtang Maïssaya, docteur ès sciences politiques, directeur de l'Institut des recherches géostratégiques de la Géorgie, nous a confié quelle pourrait être la réaction de la Géorgie.

 

- Comment la Géorgie pourrait-elle réagir ?

VM. Le tout-Tbilissi ne le percevrait pas que comme juste une violation de sa souveraineté, mais plutôt comme un début du processus d'annexion. Parce qu'effectivement, toutes les unités militaires se trouvant sous l'emprise de la République d'Abkhazie seront automatiquement placées sous le commandement du Ministère de la Défense de la Fédération de Russie.

 

Ca joue d'autant plus qu'ils sont en passe de créer là-bas une brigade de l'ordre de 15-20 mille effectifs humains. Quant aux forces armées russes cantonnées dans la région, elle seront, sans aucun doute, renforcées davantage par les armements offensifs et défensifs qui seront placés sur le sol abkhaze.

 

Bien naturellement, cela sous-entend la fusion des forces armées abkhazes avec les forces armées de Russie et le renforcement de l'influence militaire russe pas qu'en région d'Abkhazie, mais, en gros, dans tout le Caucase du Sud et le long de tout le pourtour de la mer Noire. Autrement dit, c'est, de facto, le prolongement de la même politique que la Russie a mené à l'égard de la Crimée.

 

- Y aurait-il une réponse de la Géorgie ?

VM. Je ne saurais vous dire. Les nouvelles autorités géorgiennes se trouvent en une posture bien difficile. Elles ne peuvent réagir de façon adéquate à de tels processus. En outre, on observe des démarches diplomatiques très énergiques pour mobiliser l'opinion publique au sein de la communauté internationale en vue de modifier cette décision ou bien adopter des contre-mesures respectives.

 

Je ne peux exclure que les partenaires de la Géorgie peuvent renforcer les sanctions à l'encontre de la Russie. Cela représente le niveau maximum de la réaction à laquelle la Géorgie peut s'attendre. Je suis sûr que l'administration géorgienne ferait de son mieux pour obtenir une telle réaction.

 

Je ne vois aucun autre moyen d'influencer cette décision politique. La Géorgie ne va pas mener une politique musclée parce que les forces en jeu ne sont pas à la même échelle.

 

Cette prise de position tranche avec un autre point de vue qui est celui d'Arthur Atayev, chef du Secteur des recherches caucasienne de l'Institut des Relations Stratégiques de la Russie. Il est aussi docteur ès sciences politiques. Il a rejeté énergiquement tout amalgame avec la Crimée.

 

- Les experts géorgiens estiment qu'il s'agit d'un début d'annexion selon le scénario criméen. Qu'en dites-vous ?

A.A. La comparaison avec la Crimée ne supporte aucune critique parce que la Crimée a mené un référendum d'initiative populaire. Il y a eu un mouvement des masses de l'ordre de 83-84 % de la population locale qui s'était prononcé en faveur du retour de la Crimée à la Russie, en fait, pour la réunification avec la Russie.

 

En Abkhazie, le contexte est tout à fait différent : on y parle de la création d'une brigade internationale. Autrement dit, il s'agit des deux Etats souverains régis par le Droit International - la République d'Abkhazie et la Russie qui décident de leur propre chef. Mais la Russie se tient prête et peut délivrer une assistance militaire en conformité avec son statut d'allié au cas où il y aurait une agression extérieure de la Géorgie ou d'un Etat tiers dirigée contre l'Abkhazie. C'est ça le hic de la question. Et je répète, toute comparaison avec la Crimée serait à écarter.

 

- Y aura-t-il tout de même des sanctions de l'Occident ?

A.A. La brigade est déjà créée. L'Occident n'est pas suffisamment stupide pour ne pas s'en rendre compte. Nous avons déjà des manœuvres en commun, le même système doctrinaire dans le domaine du droit et de la défense  et le même ennemi. Nous sommes des Etats alliés à part entière. C'est pourquoi un renforcement des sanctions ne serait pas à prévoir, bien sûr. Il y aura bien sûr une croissance d'attention de la part d'un fonctionnaire du Département d'État ou de M. Stoltenberg. Les brimades de l'Occident portent naturellement sur l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie. Il y aurait certainement une déclaration édentée ; on s'en doute, mais rien de concret ne surviendra, j'en suis persuadé.

- Et vous soutenez qu'il n'y va pas de la fusion des forces nationales ?

A.A. Non. Absolument pas ! Dans le corpus juridique du Traité tout est techniquement détaillé. La brigade reçoit la base militaire russe qui existe déjà sur le sol abkhaze à l'heure actuelle.

 

L'Abkhazie doit aligner deux bataillons de fantassins. Ils ont aussi un groupe d'artillerie et une entité d'aviation à additionner. A ne pas oublier le COS local. En principe, on peut avancer que l'on serait presque à parts égales, d'une certaine façon.

 

Le document cosigné le 21 novembre 2015 est actuellement soumis à la Douma. Cette ratification est le prolongement de la construction des relations alliées concrètes entre les 2 Etats concernés. C'est l'étape consécutive de l'affermissement de l'Abkhazie dans son rôle d'un Etat indépendant et souverain.

 

Nous sommes pleinement conscients qu'ensemble avec les forces abkhazes, la Russie se porte pleinement garante de la sécurité de l'Abkhazie. Ceci est formulé dans les documents de base signés au plus haut niveau entre les dirigeants des deux pays respectifs.