Grâce au FN, la France peut connaître des changements pareils à la victoire de Trump…

Olivier Tournafond, professeur de droit à la faculté de Paris XII, maître de conférences générales à Moscou, sur l'invitation de l'Université Orthodoxe de Saint Tikhon, a décortiqué pour nous la victoire de Donald Trump vue par les yeux d'un français, cartésien et homme de droit par-dessus le marché.

 

- Le 9 mars 2015, lors d'un plateau de TV Libertés, vous avez traité l'Europe de « protectorat américain avec des tendances totalitaires»... Cela pourrait-il changer après la victoire de Trump, d'après vous ?

 

Olivier Tournafond. Je crois que Trump est bien conscient de cette réalité et il trouve que cela a assez duré. Il a dit que le peuple américain en avait assez de payer pour la protection des Européens et qu'il était temps que ces derniers prennent leur défense en main. Il a dit aussi qu'il avait l'intention de leur demander une contribution financière pour pouvoir continuer à assurer leur défense. Je pense que Trump fait partie de ces hommes politiques américains qui ont parfaitement compris la nécessité d'un monde multipolaire. C'est bien ce que nous appelons de nos vœux nous aussi et c'est également ce qui est souhaité par le président Poutine : que le monde ne soit pas monobloc et ne relève pas d'une seule idéologie, mais soit constitué de centres multiples et de modes de développement différenciés.

 

- On vous sait très souvent à Moscou, dans le cadre de vos activités universitaires. Que pensez-vous de la Crimée ? Je vous signale aussi qu'une commission de l'ONU entend faire passer un projet de résolution où la Russie est condamnée pour oppression de la population locale et le non-respect des intérêts des groupes ethniques et religieux...

 

Olivier Tournafond. Selon moi il est évident, surtout à la lumière des analyses historiques et juridiques, que la Crimée aussi bien que l'Ukraine toute entière ont de tout temps appartenu à l'Empire Russe, de même que l'Alsace et la Lorraine ont appartenu la France. Dire que la Crimée est occupée revient à dire que l'Alsace et la Lorraine sont occupées par l'armée française ! C'est grotesque ! De toute manière, l'ONU est un organisme qui est très largement discrédité aujourd'hui et qui n'a plus beaucoup d'influence. Je pense que le président Trump est tout à fait conscient que la Crimée a toujours été russe et que l'Ukraine elle-même est le berceau des tsars de Russie. Il faut maintenant faire un effort pour que cette réalité indiscutable soit reconnue ! Je pense qu'on pourra assez facilement arranger les choses pour la Crimée ; mais pour l'Ukraine, ce sera plus long : pour le Donbass, en particulier, qui est parti actuellement en guerre.... Ce sera long, mais il faut être patient pour que les droits de la Russie sur ces territoires soient enfin reconnus.

Encore une fois, il est très clair que la Russie a des droits historiques sur ces territoires au même titre d'ailleurs que l'Allemagne de l'Ouest en avait sur l'Allemagne de l'Est. Aurait-on l'idée saugrenue de soutenir que l'OTAN occupe militairement l'ex RDA ?

 Mais de son côté, Trump ne peut pas non plus faire tout ce qu'il veut. Dans son parti, il y a des gens qui sont des néo-conservateurs ; il y a aussi des bellicistes - McCain, par exemple en fait partie ! Je pense que Trump va essayer de ménager les uns et les autres, la chèvre et le chou... Mais il va faire preuve de bonne volonté. C'est pour ça qu'il se propose de rencontrer M. Poutine. Je crois qu'il est très conscient que là ce ne sont que de faux problèmes, parce qu'un pays peuplé comme le Donbass ou la Crimée à 90 % de Russes - c'est évidemment un pays qui est russe ! Il le sait très bien ! Il ne va pas, comme Hillary Clinton, déclencher la Troisième Guerre mondiale pour ça ! Il y a vraiment des moments où il faut arrêter de prendre des vessies pour des lanternes et il le sait. Par contre, pour faire avaler cette décision au Congrès américain, cela prendra du temps et il faudra que Vladimir Poutine soit patient...

 

- Pour reprendre votre idée, je précise que c'est bien les Bolcheviks qui ont bâillé le Donbass à l'Ukraine. Vous êtes monarchiste. Lors d'un plateau à la TV Libertés vous avez dit que « beaucoup de Russes étaient monarchistes et que la monarchie est une idée moderne en Russie ». Est-ce que votre conviction n'a pas changé depuis ?

 

Olivier Tournafond. Je crois que c'est encore plus juste qu'à l'époque où je l'ai dit. Vous avez déjà en Russie une monarchie de fait incarnée par Poutine. Vladimir Poutine se comporte plus en monarque véritable, c'est-à-dire dans un chef qui s'inscrit dans une continuité historique et politique, qu'en simple président ou chef de parti comme François Hollande. Dès lors, il est déjà, d'un certain point de vue, l'héritier des tsars et au-delà des empereurs de Byzance. Je crois que les Russes y sont très sensibles et s'ils lui attestent une telle confiance, c'est parce qu'ils sentent que ce n'est pas quelqu'un qui est là pour favoriser telle ou telle classe sociale, tel ou tel parti, tel ou tel lobby. C'est indiscutablement un chef qui s'inscrit dans l'Histoire. Cependant, à la différence des tsars et des empereurs byzantins, il est toujours soumis à la loi du suffrage universel qui est toujours source d'aléas et d'instabilité. Alors, ce que l'on pourrait souhaiter pour lui (mais je ne suis pas Russe et je ne connais pas toutes les forces en présence), c'est que le jour où il laissera la présidence, il demeure à la tête de l'Etat comme une autorité supérieure, une autorité tutélaire et protectrice en quelque sorte, comme le fut en son temps l'Empereur Auguste qui veilla sur la « pax romana ». Car Auguste n'avait pas aboli les institutions de la République romaine, il avait superposé en quelque sorte sa fonction à ces institutions traditionnelles. En somme, il avait tout simplement décidé de rester au-dessus des partis et de veiller aux intérêts et à la pérennité de l'Empire romain. L'histoire à montré que c'était la bonne voie ! L'empire romain est devenu pendant des siècles le phare du monde civilisé...Eh bien c'est dans cette logique, dans cette voie en quelque sorte « impériale » que M. Poutine doit désormais s'inscrire parce qu'il est un facteur de paix dans le monde et de véritable stabilité.

Quand on pense à la monarchie, on pense toujours à la monarchie héréditaire. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a eu beaucoup d'autres formes de monarchies. A Rome ou à Byzance la monarchie n'était pas toujours héréditaire ! Parfois les empereurs de Byzance connaissaient des situations comme celle actuelle du président Poutine. Il faut avoir une vision large de la monarchie. Le monarque est celui qui sait unir ce qui est différent, il est l'incarnation de l'Etat bien au-delà des soubresauts de l'opinion publique.

 

- Une question sur la France qui serait sur le point de tomber dans les bras du FN ce qui est devenu un sujet récurrent parce qu'en fait, les frontistes représenteraient jusqu'à 30 % de population française... Est-ce que Marine Le Pen pourrait accéder au pouvoir suprême ? Est-ce désirable pour la France ?

 

Olivier Tournafond. Je pense que le FN représente une carte à jouer, surtout pour les électeurs de la droite. Un retournement spectaculaire est toujours possible : on a déjà eu le Brexit. Il y a maintenant l'élection de Trump, ce qui montre l'exaspération du peuple américain. Il faudrait peu de chose pour qu'une surprise du même ordre advienne en France. S'il y avait de nouveaux attentats, il serait tout à fait possible que Marine Le Pen soit élue et elle se retrouverait dans une situation analogue à celle de Donald Trump, portée à son tour par un courant de protestation très fort. 

Vous avez raison en ce qui concerne les chiffres : elle jouit bien d'un électorat de l'ordre de 30 % de population française. Mais il faut aussi tenir compte du fait qu'il s'agit uniquement de 30 % des votants. Or il y a beaucoup d'abstentionnistes qui sont en dehors de ces pourcentages, ce qui est d'ailleurs un très grave problème pour les démocraties modernes. Donc cela conduit à relativiser les chiffres en terme de représentation réelle au sein de la population. Mais quoi qu'il en soit, le vote Front National représente à peu près un tiers des suffrages exprimés ce qui lui rend le pouvoir parfaitement accessible. Reste la question d'après : c'est celle de la manière dont il faudra diriger la France. Le programme du Front Nationale est un peu comme le programme de Donald Trump : souvent contradictoire et lacunaire. Il faudra donc que le parti passe à la vitesse supérieure et devienne enfin un parti de gouvernement un peu comme l'UDC en Suisse (Union Démocratique du Centre). Dans ce parti nationaliste suisse, les militants savent défendre leurs idées de manière pertinente et constructive, les leaders ont des positions rationnelles et responsables et les électeurs on une vraie implication politique au quotidien. Il faut que le Front National suive cet exemple qui est celui du succès. 

Au-delà de tout cela, je crois qu'il y a désormais un courant dans tout le monde blanc, Indo-européen et chrétien : il y a une prise de conscience des problèmes et de la corruption des Etats démocratiques. Tout le monde sent que cela ne peut plus durer ! Pas pour longtemps en tout cas... Parce qu'il y va de la sécurité publique, de la pais sociale, du développement et de la civilisation elle-même... Le problème n'est pas purement français, il est civilisationnel. Quant aux partis de la droite parlementaire, rappelons qu'ils ont toujours collaboré avec les socialistes et qu'ils ont largement contribué eux aussi à ruiner la France par une politique aberrante et à courte vue et par une lâcheté à peine croyable. Ils persistent d'ailleurs dans leurs éternelles erreurs en refusant toute alliance avec le FN et en choisissant même le funeste voie d'un prétendu « Front Républicain ». Ce en quoi ils révèlent leur vrai visage qui est celui du socialisme !

 

- On l'appelle de nos vœux, M. Tournafond ! Puisse la France redevenir un jour complètement souveraine et peut-être même monarchique, qui sait ?