La Crimée est un trophée militaire, statue la Haye

En s'émancipant de la CPI, la Russie n'a fait que ce qu'elle devait faire depuis longtemps déjà.

 

Vladimir Poutine a signé l'arrêté présidentiel sur la sortie du Statut de Rome qui servit de base à la création de la Cour pénale internationale.

 

Valéri Vanine, avocat inscrit au barreau, expert en affaires internationales, estime que la Russie est en retard considérable parce qu'il fallait le faire depuis longtemps déjà.

 

- La Russie a signé mais point ratifié le Statut. Alors pourquoi fallait-il s'en émanciper avec tant de pompe ?

 

V. Vanine. Il ne s'agit pas pour la Russie de partir, mais juste d'informer les autres qu'elle n'a aucune intention de s'y associer ce qui lui permettrait dorénavant d'éviter tout quiproquo juridique dans l'interprétation de sa signature apposée en bas du Statut ce qui, il est bien vrai, n'a pas été suivi par la ratification.

 

Cela ressemble peu ou prou à l'affaire de la Charte européenne de l'énergie signée, mais, une fois de plus, point ratifiée par la Fédération de Russie. C'est pourquoi certains experts étaient tentés d'interpréter la signature russe comme participation de la Russie à la charte.

 

- Le 15 novembre dernier, il y a eu un compte-rendu de Fatou Bensouda, procureur de la Cour pénale internationale. Selon ce document, la réunification de la Crimée avec la Russie équivaudrait à un conflit armé interétatique.

 

V. Vanine. Les fonctionnaires de cet organisme d'arbitrage international n'ont pas le statut des procureurs.

 

Et puis elle a dit elle-même qu'il leur faudrait encore un an pour réunir tous les éléments du dossier. Autrement dit, elle a reconnu par elle-même que l'enquête n'est pas encore complétée. Je pense qu'elle a profité de cette formule pour exprimer son opinion personnelle à sa façon. Ce document ignore royalement le fait même que, selon l'accord alors en vigueur entre la Russie et l'Ukraine, la Russie avait pleins droits de cantonner un contingent militaire dans la Péninsule.

 

Mais le rapport dudit organisme n'a fait que démontrer son approche prétentieuse. Pourquoi donc devons-nous y participer ?

 

A son tour, Dimitri Labine, professeur à l'UFR de droit international, docteur ès sciences juridiques de l'Institut des Relations Internationales de Moscou, a donné son commentaire exclusive à Pravda.ru.

 

D. Labine. C'est que le Statut de Rome est une convention internationale multipartite qui servit d'assises à la création de la Cour pénale internationale. La convention fut signée en 1998, à Rome.

 

Mais il faut dire que beaucoup de pays n'ont pas élaboré une approche définitive à l'égard de ce document. Il est également à dire que les Etats-Unis ne sont pas cosignataires. Et il n'y a pas à s'en étonner quand on se souvient du nombre d'incursions armées et tout l'usage de la force militaire qu'ils font hors de leurs frontières.

 

A vrai dire, le document traduisait les divers compromis. Beaucoup de praticiens et d'experts en droit international l'ont critiqué en explicitant que le mécanisme de la mise à exécution était plus qu'imparfait.

 

La Russie, elle, a bien signé le Statut, mais ne l'a toujours pas ratifié. C'est pourquoi l'arrêté présidentiel ne fait qu'entériner le statut quo c'est-à-dire la non-application des clauses de ce document à la Russie. Et la Russie ne voit aucun sens de participer à cette convention, jugeant la ratification inutile.

 

Il ne s'agit que du constat d'un fait accompli.

 

Autrement dit le monde doit y réfléchir à plus d'une reprise. Il se peut qu'il serait temps d'entreprendre une autre tentative qui ait plus de succès en vue de trouver des mécanismes de poursuite pour crimes militaires commis. Il va de soi que ces mécanismes doivent rencontrer un consensus de la part de tous les participants.